Prix sous pression

Un pot à la main, Valentin rejoint son véhicule de fonction. Emmanuel, du Gaec des Trois Moulins, lui a demandé au saut du lit un produit d'hygiène de traite en rupture de stock le mois dernier. Cela tombe bien, il a prévu de finaliser avec le jeune agriculteur de 35 ans la commande de fongicides céréales. Cependant, il n'est pas très rassuré sur la finalité de cette visite. A peine la trentaine, le technico-commercial a encore du mal à s'imposer face à un concurrent dans la région depuis des années, et n'hésitant pas à le casser. Il aurait de quoi rétorquer, mais il se refuse de tomber dans cet engrenage peu vertueux.

Durant tout le trajet, il a passé en revue les arguments plausibles si jamais Emmanuel voulait encore discuter le prix comme la dernière fois pour les maïs, à l'instar de ses autres clients agriculteurs. Ces derniers temps, la chute des cours se fait fortement ressentir dans les négociations et les échanges. « La journée s'annonce difficile », lui a d'ailleurs lancé ce matin son collègue Martin qui a toutefois plus de bouteille avec ses dix ans dans l'entreprise et plus de répartie que lui.

Prenant son courage à deux mains, Valentin pousse la porte du bureau adjacent à la stabulation. Emmanuel est concentré sur son ordinateur et son associé Marc est au téléphone. « Aïe, je vais en avoir deux à affronter », pense le jeune TC. La discussion s'engage avec l'agriculteur. Valentin lui parle de ses parcelles de blé qu'il a rapidement parcourues avant d'arriver. « Tes cultures sont bien avancées. Mais, j'ai observé plusieurs points de rouille près des bordures. Tu penses faire combien de traitements ? » Se frottant le menton, l'agriculteur répond, « justement, ton concurrent est passé hier soir. Il me propose un produit équivalent pour 10 % moins cher. Tu peux t'aligner » ? Le TC ne s'attendait pas à une attaque aussi directe. « J'ai déjà proposé le prix le plus bas comme tu as plus de 50 ha à traiter. Mon tarif est raisonnable, de plus, l'an dernier notre OAD t'a permis de belles performances. » « Oui, c'est vrai, combien tu m'as fait gagner déjà ? » « Heu, je ne me souviens plus précisément mais ce n'est pas négligeable. » C'est alors que Marc intervient, « ton concurrent nous a fait une simulation sur les marges. Sur 50 ha, ça fait quelques euros de gagnés ».

Hélène Laurandel